Sur le seuil

Sur le seuil, Gilles Berquet, Thomas Devaux, Lukas Hoffmann, Shane Lynam, Paris Photo, Galerie Bertrand Grimont, octobre 2019.

Les photographes réunies par la Galerie Bertrand Grimont n’ont pas pour vocation d’illustrer un thème, surplombant, voire moralisant ; pourtant une même tendance de fond traverse ces images pour qui prend soin de considérer leurs formes et leurs similitudes. Des totems miroïques de Thomas Devaux aux architectures désuètes de Shane Lynam, en passant par les dos et les surfaces de Lukas Hoffmann, ou encore les drapés de Gilles Berquet, une impression de frontalité et de réification lie ces démarches singulières.

Les têtes ont été coupées et l’on pressent l’urgence de la fin d’un monde, dont le symbolisme et les logiques ont été produites par et pour l’homme. De cette position dominante, et arrogante, le plaçant au sommet de toutes choses, les photographies ont substitué d’autres existants à nos schémas anthropomorphes : des arbres, des architectures, des textures, des matières, mais aussi des lumières, des couleurs ou des lignes de force. Après avoir tant célébré l’humain, ses totems et ses tabous, une sorte d’humilité s’empare des œuvres. Qu’elles abordent le consumérisme (Devaux), l’érotisation (Berquet), le paysage (Lynam) ou des anonymes (Hoffmann), ces œuvres tracent un territoire flottant, transitoire, situé dans les limites d’une marge aux contours faussement normatifs. Le monde change et ne cesse d’appeler à la transformation des valeurs qui excentreront l’homme.

Ainsi ces photographies nous invitent-elles à observer et à nous tenir au plus près des variations infimes de notre environnement. Reflets, plis et ombres sont les nouveaux protagonistes d’une histoire à conter, une histoire où l’humain ne prend plus le premier rôle, selon un banal réflexe structuré autour de la notion de progrès et de modernité. Il est devenu un étant parmi les choses, un reflet intégré à l’ADN de ce qui l’a un jour révélé et glorifié : ses miroirs, ses architectures, ses outils et ses ornements divers. Bien sûr, chaque photographie fonctionne par elle-même, mais elle tisse avec une autre, puis une autre, le récit des multiples trajectoires, invisibles mais néanmoins sensibles, qui composent le monde.