Laure Molina, Rapatriement

Rapatriement, Laure Molina, Musée de Semur-en-Auxois, mai 2025.

C’est à la suite d’une visite particulièrement revigorante dans le département de géologie du

musée de Semur-en-Auxois que Laure Molina entame une série de dessins d’ammonites. En pleine

pandémie, alors que le monde semble à l’arrêt, l’artiste perçoit dans ces êtres éteints depuis 66

millions d’années une énergie vitale qui la guidera, au fil de quatre années de fréquentation, dans

une trajectoire artistique et métaphysique.

Plus qu’un relevé naturaliste, la série Trajectoires procède d’un dialogue sensible avec ces formes

fossilisées, dont l’artiste révèle l’épaisseur temporelle et multidimensionnelle. Loin d’une

représentation scientifique objectivante, ses dessins tracent une vision holistique en trois

mouvements. Après un travail d’observation et de matérialisation minérale, Laure Molina déploie

une utopie visuelle et méditative, évoquant la charge vibratoire des spirales et leur dérive vers le

chaos. L’artiste explore enfin la dimension moléculaire des structures cristallines conservées dans

les cavités palléales.

Sa méthodologie de recherche transdisciplinaire croise science, art, mémoire, cosmologie afin

d’impliquer tous les niveaux de réalités. Des échelles micro et macroscopiques s’y entrelacent

dans chacune des étapes de son travail. Elles sont portées par des forces centrifuges et centripètes

qui tissent des ponts entre le sujet et l’objet, l’intérieur et l’extérieur, le passé et le présent. À

l’instar du caractère défensif de la ville, l’installation agit comme un rempart ou une ligne de veille

face au vertige des temps géologiques. L’exposition Rapatriement opère ainsi un retour sur les

origines modernes du Musée. Moins désireuse de s’imposer par la raison, l’histoire naturelle

devient ici le support d’une pensée émotionnelle, non linéaire, post-dualiste et déhiérarchisée des

savoirs.

Ses dessins figurent un déplacement du regard : de l’objet mort à la forme habitée, de l’archive au

vivant, du musée à l’espace mental. En mobilisant cristallisation historique et affective, vortex

cosmique et spirale moléculaire, l’artiste explore la matérialité du temps, qu’il soit cyclique,

stratifié ou multidimensionnel.