Shane Lynam. Souvenir d’une Californie française
Shane Lynam, Souvenir d’une Californie française, exposition personnelle Galerie Bertrand Grimont, 02 mai au 08 juin 2019.
Il transpire comme une impression de fin de vacances, où percent encore le soleil d’un été indien ou la caresse d’un vent chaud. Après les flirts et le cœur chargé de souvenirs reste le charme désuet des cités balnéaires de nos côtes méditerranéennes, dont les architectures utopiques rivalisent d’ingéniosité et d’audaces stylistiques.
Les photographies aux tons pastel de Shane Lynam sont la mémoire délavée d’un projet urbaniste ambitieux initié par Charles de Gaule en 1963, à l’époque des Trente Glorieuses. « La Mission Racine » avait pour objectif de favoriser le tourisme dans la région du Languedoc-Roussillon et de permettre aux classes moyennes de s’offrir des vacances. Un plan d’aménagement colossal et d’assainissement du territoire se déploya sur près de 20 ans, où des villes dans les villes sortirent du sable de Port Camargue à la Grande Motte, en passant par le Cap d’Agde, Gruissan, Port-Leucate ou encore Port-Barcarès. Aux contestations idéologiques agitant alors l’Occitanie, qui redoutait de perdre son âme en devenant une « Nouvelle Floride », se dessine aujourd’hui les contours d’un paysage français labélisé « Patrimoine du XXe siècle », depuis 2010.
Cinquante années plus tard, la série Fifty High Seasons (réalisée entre 2010-2017) embrasse les idéaux d’une politique sociale ayant révolutionné la physionomie du littoral et l’économie régionale, avec les affects cristallisés des estivants. Le soleil a défraîchi les couleurs trop vives et les architectures avant-gardistes aux façades ondulées comme des vagues ou inspirées de contrées lointaines telles que les pyramides du site mexicain Teotihuacan ou les maisons grecques, semblent avoir épousé un territoire dont on oublie qu’il fut exclusivement composés d’étangs, de marais, de dunes, de viticultures et de moustiques propageant un grand nombre de maladies.
Ainsi naquirent des complexes balnéaires, où furent transposés les idéaux de la banlieue au développement touristique. Échafaudés en quelques décennies, les resorts de béton prirent la place des baraques de pécheurs et accueillirent, le temps d’un été, de nouvelles nuées.
Dès 2003 alors qu’il est encore étudiant à Dublin, le jeune irlandais de naissance sillonne la côte avec cette double position de touriste parmi les touristes et d’arpenteur-archiviste. Tandis qu’il projetait une vision pittoresque de la région, il découvre un monde artificiel et fonctionnel, attractif et ludique, mais dont la patine déjà usée alimente son imaginaire et la nostalgie d’un temps révolu.
De ces villes proches des non-lieux, aux espaces interchangeables et où transitent les anonymes, Shane Lynam retient la promesse d’une évasion, si tant est que l’on considère que resort tire son origine du français « ressort », signifiant rebondir, s’enfuir ou se retirer. Dès lors, contrairement à la relation de consommation qui s’installe habituellement dans ces lieux de passage — aéroports, supermarchés et autres aires d’autoroutes —, les resorts incarnent plus fortement que partout ailleurs le souvenir cristallisé de nos projections d’enfance, d’adolescence ou de parents, tel un moment suspendu entre loisirs et repos.