Maeva Totolehibe, Un mensonge plutôt que rien
Maeva Totolehibe, Un mensonge plutôt que rien, texte écrit dans le cadre de la bourse d’écriture du réseau art contemporain Bourgogne – Franche-Comté, Seize Mille.
La plupart des œuvres et des récits de Maeva Totolehibe puisent leur source de sa formation de guide naturaliste. De ces années d’observation attentive des écosystèmes, elle cultive des pédagogies alternatives et une écoute profonde (Deep Listening) qui opèrent par contact. Ainsi élabore-t-elle des répertoires de formes ou d’empreintes comme autant de traces et de langages potentiels d’une post-mémoire. Car ce qui préoccupe Maeva Totolehibe – dont le nom de famille signifie « grand fantôme » en malgache – est la disparition inéluctable de toutes choses, et le sentiment de solastalgie qui en découle. Elle sonde les méandres d’une mémoire hantée et trouée qui « s’est perdue en route ». Le vide y devient un espace de projection, dont elle tente de colmater les brèches et les traumas par des narrations circonstanciées, « un mensonge plutôt que rien ».
Si les poèmes et les installations-récits de l’artiste content le vivant depuis ses formes et ses manières d’être, celui-ci n’est jamais réduit à un simple motif. Il incarne plutôt une méthode qui insiste sur les cycles, les métamorphoses, la décomposition qui commandent l’intersubjectivité du monde. Dans ces réseaux de relations, les insectes paraissent de véritables diplomates entre les espèces. Leurs existences liminaires, leur capacité d’adaptation, de camouflage, de survie ou de communication, en font les parfaits représentants des petits, des invisibles, des méprisé·es, des travailleur·euses de l’ombre. On comprend dès lors que la démarche de Maeva Totolehibe vise une écologie plus large : environnementale, sociale, mentale. Une écosophie politique qui embrasse les existences moindres ou refoulées, les nuisibles et les parasites de la société.
Ses œuvres façonnent des habitats précaires, des abris ou des fenêtres ouvertes sur des paysages fantaisistes, que des communautés peupleraient d’imaginaires manquants. Elles élargissent le spectre narratif en mobilisant des histoires par le bas, les marges, par celles et ceux qui défient l’ordre du monde. Les insectes, les espèces envahissantes ou les transformations de la matière, comme la résine de pin qu’elle collecte dans ses Landes natales, activent cette logique clandestine. Là des communautés anonymes fomentent des futurs alternatifs, voire im-mondes, c’est-à-dire hors des mondes clos et des ghettos imposés par les instances dominantes.
Juillet 2025