Emmanuelle Potier. Predictive Muse
Pour pallier l’angoisse de la page blanche, Emmanuelle Potier n’a de cesse d’élaborer des stratégies ou des protocoles de contraintes qui l’obligent et l’orientent dans ses œuvres. Dans sa dernière série, l’artiste troque les créatures mythologiques et les charmes du féminin contre des algorithmes susceptibles de mieux connaître ses goûts qu’elle-même.
Du Data Mining au Data Painting, il n’y eu qu’un pas. En confectionnant avec des ingénieurs, des développeurs et des peintres, un programme d’exploration et d’analyse de bases de données picturales, Emmanuelle Potier a fait de La muse une parfaite alliée pour déterminer le choix de son sujet. L’application accumule et détecte d’abord les règles de composition-type de la peinture occidentale, puis en restitue de façon concise l’ordonnancement, avec ses lignes de force et autres pyramides structurant les chefs d’œuvres. À cette première base de données se greffe une seconde, alimentée cette fois-ci par les sources d’influence de l’artiste. Le programme organise alors le patron, sous l’œil prédictif et automatique d’une IA. La boîte noire officie l’alliance des Grands Maîtres avec le style et les préférences de la peintre.
De ce scénario de science-fiction, télescopant l’Histoire de l’Art et le présent, émerge un ensemble de questions. Qui de l’IA ou de la peintre se fait l’outil et l’extension prothétique de l’autre ? Jusqu’à quel point la détermination et le libre arbitre sont-ils à l’œuvre et travaillent-ils la tension entre technique et intuition, imagination et génie ? De ce dialogue entre Emmanuelle et la machine, se recompose paradoxalement une sensibilité singulière. Car si le programme lui souffle un point de vue ou sature l’espace par la répétition d’un motif, c’est la peintre qui opère la réunion des parties et fait tenir le tout. Révélant ainsi les coulisses de son organisation perceptive, le logiciel devient le terrain de jeu d’une pratique picturale aux ressorts oniriques et surréalistes.