Dana-Fiona Armour. Nephrolithiasis ACT I
Nephrolithiasis ACT I
Nous vivons sur la croûte de la lithosphère qui compose l’essentiel de la biosphère, depuis près de 4 milliards d’années. Cette « boule de pierre » enfantée par l’univers est littéralement le support de la vie terrestre, elle contient la mémoire fossile et résiduelle de notre planète, si ce n’est du cosmos dans sa totalité inclusive. Cet astre est, à l’image de la perle dans l’huître, du calcul rénal ou du bézoard dans l’estomac de la chèvre, un joyau amalgamé de déchets qui fait l’objet de tant d’admiration et de tourments. Il est un monde dans un monde, où les cycles de la vie et de la mort ne font plus qu’un, dans un corps.
Dana-Fiona Armour anime d’un tremblement à ce qui apriori est voué, comme le marbre, à l’immobilité. Depuis l’Antiquité, les sculpteurs taillent la chair dans, et de, la pierre pour en révéler toute la sensualité, mais chez Armour, la roche paraît plus vivante que jamais, si pleine de vie et de rencontres transformatrices qu’elle en tomberait presque malade.
Dures et froides, comme un corps mort, les veines de cette roche métamorphique pulsent d’une présence saturée. Le marbre semble colonisé, devenu l’hôte d’un étrange ballet ; d’un élément intrusif, bientôt complice. De ses recherches sur la matière et l’anatomie, l’artiste imagine, en collaboration avec des scientifiques, une pierre avatar, sorte de créature clonique ou thérapeutique susceptible de recevoir, pour mieux les assimiler et les digérer, les maux et les malaises engendrés par nos sociétés. Dana-Fiona Armour cultive de manière artificielle et in vitro des cristaux sur le corps nervuré du marbre. La roche calcaire se confond ainsi avec une seconde peau qui enveloppe et délimite le territoire des syndromes. L’œuvre désigne cet autre de soi-même qui affirme son altérité dans l’altération. Tandis qu’un organisme peut donner naissance à un objet mort : lithiase ou calcul qui obstruent les conduits, Dana-Fiona Armour préfère insuffler dans les artères de la pierre un cristal réticulaire qui se ramifierait à l’infini. Se faisant, Nephrolithiasis ACT Idétourne le fantasme transhumaniste d’une vie éternelle, qui serait parvenu à extraire toute maladie des individus, au profit d’une existence autre susceptible d’évoluer en plusieurs phases. De cette intrusion inopportune, la réussite du projet dépend d’un équilibre symbiotique permettant au couple de minéraux de vivre ensemble. En co-évoluant avec son support d’accueil, la structure cristalline fertilise le marbre en autant de bifurcations géométriques et régulières, en expansion continue.