Cosmétique de la larve
Des récits d’horreur à leurs plus belles métamorphoses, en quoi les larves nous permettent-elles de penser le monde ? Entre essai d’entomo-politique et récit spéculatif, Le livre des larves de Marion Zilio propose une histoire par le bas, où se rencontrent et se fictionnalisent les défis de notre époque contemporaine
Les larves sont les figures d’une altérité radicale, le point le plus abject et le plus éloigné de l’humain. Pourtant, c’est par elles que nous avons pris visage. Les larves représentent un stade pré-individuel, celui d’une vie « masquée sous sa première forme » qui inspire la léthargie et hante les vivants. Elles nous dévorent et nous ramènent à l’humus, faisant de l’humain une matière qui circule dans d’autres êtres. Comme les parasites, elles sont les petits, les méprisés, les invisibles, la masse des travailleurs de l’ombre qui accélèrent la course à l’armement entre les espèces et donnent à l’évolution une intersubjectivité insoupçonnée. Les larves, dont le mot est privé de rime et semble en cela coupé des résonnances du monde, n’en présentent pas moins des organes de l’apparaître. Toutes les formes vivantes développent une valeur expressive propre qui excède l’explication fonctionnaliste ou reproductrice. Par le truchement d’apparences et d’ornements, de mimétismes ou de camouflages, elles manifestent leur appartenance cosmique dans le libre jeu du caché et du montré.
Cette communication déploie l’imaginaire et les représentations scientifiques et artistiques de la larve. Des récits d’horreur à leurs plus belles métamorphoses, en quoi les larves nous permettent-elles de penser notre présence au monde ?
Présentation de Marion Zilio, théoricienne, critique d’art et commissaire d’exposition indépendante. Elle est l’autrice de Le livre des larves (PUF, 2020) ainsi que de Faceworld. Le visage au 21e siècle (PUF, 2018 ; Polity Press, 2020). Elle enseigne actuellement à l’Université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis.
Suivie d’un échange avec Ivana Adaime Makac, artiste plasticienne, qui développe depuis 2009 un projet utopique et paradoxal intitulé Rééducation visant à « dédomestiquer » le bombyx du mûrier(ver à soie),et Romain Garrouste, paléoentomologiste au MNHN, écologue, Institut de Systématique Évolution Biodiversité, département Origines et Évolution / YSIEB.
Visuel : Hubert Duprat, Larve de Trichoptère en train de construire son étui (vue de l’atelier), 1980-2000, or, perles, turquoises, longueur 2,5 cm. ADAGP, Photo F. Delpech.