Matthieu Boucherit. J.O.A.
Poursuivant sa réflexion sur l’«Ode à la Joie », devenue l’hymne de l’Union européenne, Matthieu Boucherit décompose le mot joie selon une lecture labiale en trois mouvements.
J.O.A. fige le flux des cris de colère des manifestants à travers le monde. La tyrannie du bonheur a fait de la joie une finalité, qui disqualifie ou culpabilise ceux qui n’y parviennent pas ou s’y opposent. Rephotographiant son écran d’ordinateur avec son téléphone, Matthieu Boucherit redouble la distance et le bruit de celles et de ceux qui s’époumonent pour se faire entendre. France, Algérie, Russie, Congo, Venezuela, Brésil, Hong Kong ou Chili, le vent de révolte aux origines diverses qui embrase le monde, se heurte à la censure et à l’indifférence de ceux qui orchestrent la joie pour mieux taire nos émotions. La bouche béante telle un trou, libère un son qui ne s’écoute pas. Alors que le cri advient quand la parole articulée ne peut plus s’exprimer, le bruit visuel des images bleutées réplique notre condition muselée, notre mutisme imposé. Au temps du capitalisme de surveillance, du quadrillage de nos existences, de la distanciation sociale et des manifestations réprimées, nos bouches démasquées expriment le trouble d’une joie se nouant à son ravissement.