Léo Dofner, Glitch Memory

Léo Dofner, Glitch Memory

Rien n’est plus fragile que le sens et la cohérence d’une histoire. Petites ou grandes, intimes ou populaires, elles sont le reflet d’une mémoire fatalement sélective, singulière et pourtant collective. Rien n’est plus ténu que la frange par laquelle notre mémoire glisse de l’accumulation à l’improvisation, du vrai au vraisemblable, en s’aventurant dans le libre jeu des associations ou des connexions fortuites, dont seuls notre réseau synaptique, notre inconscient ou notre conditionnement critique ont le secret.

Les œuvres de Léo Dofner sont des instantanées d’époque qui tressent le passé et le présent, tel un flash qui frappe l’imaginaire de sa part maudite. Sortes de screenshots mémoriels, ses montages empruntent à divers registres d’images, mais aussi à des techniques de production et de reproduction. Or qui dit reproduction technique, dit enregistrement, stock de mémoire ou de données. Mais combien encore ces traces sont-elles précaires et parcellaires, sujettes à manipulation et toutes sortes de divagations, voire d’intrusions parasitaires : pubs, mèmes, sms ou produits dérivés ordonnent désormais les logiques de sens au même titre que la poésie, la littérature, la culture punk, rock ou religieuse, sans hiérarchie.

La peintureTwo Loversest le fruit d’un déraillement volontaire qui procède de l’utilisation en amont d’une technique d’impression, dont la linéarité et la régularité présumée ont été trahies, tel un disque rayé. S’il revient au regardeur de démêler les indices éparpillés en faisant d’une juxtaposition un maillage de significations, où tout semble se répondre et se compléter selon une parfaite fluidité, cette toile nous rappelle que la réalité se compose de télescopages et de glitchs, dont les flux tous azimuts convoquent et libèrent les pulsions refoulées d’un rêve éveillé.